Il est toujours amusant, pour ne pas dire attendrissant, surtout en tout début de saison, d’observer les jeunes cyclistes des catégories développement qui prennent part à leur première course.
Christian Mayer, impliqué dans le monde du cyclisme sur route depuis plusieurs années, a présidé aux destinées du club Espoirs Laval de 2007 à 2010. Dans la vraie vie, il dirige sa petite entreprise de traduction et enseigne les outils informatiques en traduction dans plusieurs universités.
Contrairement aux adultes, il est bien entendu vain de chercher à identifier un grimpeur, un rouleur, un « baroudeur », un sprinteur… Et pourtant, chacun a ses manières, son allure, sa façon de pédaler, sa façon de se tenir sur le vélo et en-dehors du vélo, sa façon de parler – ou de se taire –, sa façon de courir seul ou en peloton… Ce jeune cycliste timide et solitaire deviendra-t-il un Fausto Coppi ? Ce petit garçon un peu trapu aura-t-il dans quelques années la « shape » d’un Jan Ullrich ? Celui-ci, déterminé comme personne, imitera-t-il un jour son idole Lance Armstrong ou Alberto Contador ? Qui sont les mini-Hinault, Fignon, Indurain, où sont les petites Longo ou Bessette ?
Parmi ces portraits, n’avez-vous pas remarqué qu’on retrouvait de nombreux clones des fameux sept nains qui, comme chacun sait, s’en allaient à vélo, hého, hého ?…
Le premier est Prof ; vous l’avez forcément entendu, il découvre à peine le vélo mais ne cesse de vous parler de braquets et de trajectoires, il connaît toutes les anecdotes cyclistes des 50 dernières années (alors qu’il en a cinq fois moins) et à la moindre occasion, il fait un Paul Houde de lui-même (« Fern’ » dans « Les Boys ») et vous raconte pour la énième fois la victoire de Greg Lemond aux dépens de Laurent Fignon, sur les Champs-Élysées en 1989, pour 8 malheureuses secondes. Oui, mais… sa force ? Il va enregistrer les parcours des jeux d’adresse comme personne, mémoriser les numéros de tous les coureurs qu’il ne doit jamais laisser partir en échappée, devenir le mécano le plus habile du groupe… Un sacré cycliste que ce Prof…
Même si Prof est parfois pénible, il l’est moins que Grincheux, qui trouve toujours quelque chose à redire pendant les entraînements. S’il est bibitte, il trouve que cela ne va pas assez vite et voudrait s’en aller avec les pee-wee, ou vice versa. Il n’aime pas les jeux d’adresse (« C’est poche… »), il n’aime pas les sprints (« C’est plate… »), il n’aime pas… C’est en fait un croisement entre Grincheux et le Schtroumpf grognon… « Moi, j’aime pas le vélo… » En effet, on se demande ce qu’il fait là, pourquoi il fait du vélo, jusqu’à ce qu’on découvre quelques années plus tard, rendu minime ou cadet, que c’est un contre-la-montreur imbattable, acharné à vaincre le temps pour en finir au plus vite…
Et puis il y a celui à qui tout arrive, c’est Simplet. Sa roue avant est toujours remontée à l’envers, sa selle se desserre sans cesse, ses dossards sont épinglés la tête en bas, il oublie de déclipper, collectionne les « flats » et persiste à faire les jeux d’adresse à contresens… Certes, son apprentissage est dur, mais c’est probablement lui qui d’ici un ou deux ans, en saura le plus sur son vélo (presqu’autant que Prof), et sa gentillesse naturelle en fera le coéquipier mécano idéal, toujours prêt à donner un coup de main ou à prêter une pièce ou un outil…
Atchoum se remarque davantage en début ou en fin de saison. Il a toujours peur de prendre froid, ou sa maman a toujours peur qu’il prenne froid (trop tard, c’est déjà fait !). Il porte une tuque en-dessous de son casque (et une autre par-dessus son casque), des cuissards longs jusqu’à la fin mai, des gants longs toute l’année, un imperméable et des couvre-chaussures…Et il y toujours de la buée dans ses lunettes. « C’est quand que ça finit, les entraînements, à soir ? », demande-t-il en parlant du nez… Seulement, lorsqu’il gèle à pierre fendre au départ de Ste-Martine ou de Drummondville, à qui allez-vous demander de vous prêter une paire de manchettes ou une deuxième paire de gants ? Atchoum a toujours ce qu’il faut en double ou en triple exemplaire, et en plus, on dirait que lui, il s’habitue au froid…
Timide, vous ne l’avez sûrement pas vu. Normal. Discret, effacé, gentil, poli, toujours un peu inquiet, il se présente discrètement sur la ligne de départ, ne veut pas déranger, attend qu’on lui fasse une petite place. Répond à peine quand on lui demande sa catégorie. Mais c’est lui qui a le vélo le plus propre, par exemple ! Et on le sait bien, qu’un vélo propre, c’est le début de la réussite ! Et il est tellement discret que personne ne l’a vu partir en échappée ! Trop tard…
Dormeur a encore manqué son départ. Dormeur faisait un somme dans la voiture paternelle. Ou bien il n’a pas entendu la cloche qui annonçait le dernier tour. Dormeur a encore manqué son podium, c’était pourtant le premier d’une longue série… car Dormeur a appris à se concentrer, à entrer dans sa bulle instantanément, et il est capable de se reposer quand c’est vraiment nécessaire. Lors de ses futures courses par étapes, lorsque le manque de sommeil et les efforts accumulés vont miner ses adversaires, il sera redoutable.
Le plus drôle, c’est Joyeux. Tout va toujours bien. Il est toujours content, il rit toujours, quels que soient ses résultats, quelle que soit la température, quelle que soit la course. Il est content parce qu’il aime le vélo. C’est le boute-en-train de l’équipe, celui qui remonte le moral de tout le monde quand ça va mal, qu’il pleut, que les entraînements sont trop durs. On le trouve parfois fatigant, mais quand il n’est pas là, on s’ennuie de ses « jokes » et on a hâte qu’il revienne…
Comme on les aime, nos sept nains !
Ah, au fait, et si Blanche-Neige faisait du vélo ?…
Bravo pour le texte Christian, c’est toujours un plaisir de te lire!
Merci Serge…