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C’est avec les yeux tout mouillés que Stella a commenté ma dernière création de mécanique vélo.
 
Vers 3½ ans un enfant, assis dans le beau grand banc placé sur la roue arrière du vélo de ses parents, commence à vouloir voir plus loin que le dos de sa mère ou de son père. Ce faisant, il déséquilibre tout l’ensemble et donne des sueurs froides à celui qui a le guidon. Ce qui amène un inexorable: «…, cesse de bouger!!! » 
 
R.I.P. pour l’esprit de découverte, la curiosité!!
 
Puis il y a aussi l’enfant qui va voir les courses de coccinelles ou bibittes et qui juge que :
– d’abord son casque William ou Dora fait pas mal bébé et
– qu’enfourcher un vélo a l’air plus rigolo que d’être assis sur une version deux roues du siège d’auto dans lequel il est harnaché depuis sa naissance. Si tout petit il ne pouvait voir que le plafond de l’auto vers l’arrière, son siège de vélo lui ramène la perspective nulle du dos parental.
 
R.I.P. pour l’esprit de découverte, la curiosité!!
 
En bon parent, un moment donné, on devine évidemment la nouvelle flamme qui anime le petit. Il est dû pour un vélo. S’il est le premier d’une série d’enfants ou de cousins , il aura droit à un vélo neuf à sa taille avec les petites roues. S’il fait partie d’une belle et grande famille élargie , il héritera sûrement d’un vélo qui accumule la poussière dans un cabanon.
 
Le vélo, ce sont les premiers pas vers la liberté l’autonomie et inévitablement les premières sueurs des parents.
 
Le petit néo-cycliste devra réagir en une nanoseconde au cri parental « TENTION!!! » ce qui crée évidemment une tension chez lui, car ce  « TENTION » peut aussi bien l’aviser de ne pas aller vite , de regarder devant soi, de ne pas foncer sur la poussette du bébé, d’éviter le chat assis par terre, de ne pas descendre dans la rue, de regarder la petite main clignotante avant de traverser… etc…
 
Et comme les petites roues sont comme le prix de l’essence; avec le temps, elles s’éloignent graduellement de la base et montent, créant un déséquilibre énervant et de mauvaises habitudes de pilotage… qui seront corrigées plus tard par contre… correction que le prix de l’essence ne fera pas.
 
Ainsi donc, Stella voulait, comme son frère, faire du vélo; elle voulait faire des courses comme son grand-père et finalement sa mère la trouvait trop lourde et distraite pour le siège arrière.
 
Stella mettait son petit pied dans le monde des cyclistes.
 
Elle a hérité du petit vélo avec roues jaunes de son frère. Du WD 40 et une bonne brosse d’acier ont fait passer la chaîne d’un beau jaune orangé à un gris aussi efficace que silencieux.
 
Le vélo combinait le frein à main avec celui obtenu par rétro-pédalage. Si l’un prenait la force d’un tireur de poignet professionnel pour être efficace, l’autre demandait une gymnastique mentale que la petite n’avait pas en situation d’urgence.
 
En outre, comme nous demeurons en milieu urbain, les pentes de trottoir adorés par les usagers de fauteuil roulant sur les coins de rue risquaient d’envoyer ma petite fille dans le trafic et ainsi la faire rejoindre le groupe des fauteuils roulants. Après beaucoup de « TENTION » et de peurs-pleurs, j’ai décidé de lui faire un runbike à partir de son petit vélo Leader rouge.
 
Le soir j’ai enlevé les pédales , la chaîne et abaissé la selle.
 
Le lendemain je lui ai montré avec fierté mon adaptation qui était juchée sur mon pied de travail Park bleu.
 
Vous connaissez sa réaction.
 
Déçu et un peu choqué, je l’ai envoyée voir sa mère et… replacé le tout comme avant.
 
Et elle a continué à nous faire peur le reste de l’été.
 
On aurait dû, au départ, lui acheter un runbike (j’espère que l’office de la langue française ne nous arrivera pas avec un mot du genre draisienne pour enfant ou vélocipède enfantin comme traduction).
 
L’enfant y acquiert graduellement l’équilibre sur un deux-roues via ses jambes directement posées au sol; très sécurisant. De plus, le freinage passe aussi par ses propres jambes. Il contrôle tout directement : accélération, freinage. Et comme il est bas , près du sol, la chute possible ne se fait pas de haut.
 
Par bonheur l’enfant roule moins vite sur un runbike, ce qui diminue la grandeur de l’éventuelle éraflure.
 
Et pour les parents comme il n’y a pas de chaîne, c’est zéro graisse sur les doigts et les pantalons
. 
Il y a même des runbike tout en bois dont on aura de la difficulté à se départir tant ils sont beaux.
 
Si le vélo pour l’enfant, est le début de l’autonomie, de la liberté, aussi bien que ce début se fasse les deux pieds par terre.

P.S. : Youtube est plein de ces petits monstres qui sautent partout sur un runbike. Il y en a même un qui, en allant à la maternelle, passe par un skate park et (quelle naiveté) s’arrête pour boire de l’eau dans la rivière proche de chez lui. Ouach!

Jackson Run Bike to kindergarten. on pinkbike.com