Mon vélo jaune et rouge…

L’exercice auquel je vous convie aujourd’hui demandera peut-être un peu plus d’effort et de concentration aux moins jeunes d’entre vous… Non pas qu’il s’agisse de pousser des watts, de faire monter les pulsations ou d’aligner les intervalles sur un trois-rouleaux, non, non… C’est plutôt une question un peu plus cérébrale : vous souvenez-vous de votre premier vélo?

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Christian Mayer, impliqué dans le monde du cyclisme sur route depuis plusieurs années, a présidé aux destinées du club Espoirs Laval de 2007 à 2010. Dans la vraie vie, il dirige sa petite entreprise de traduction et enseigne les outils informatiques en traduction dans plusieurs universités.

 

Attention, je ne parle pas de votre premier vélo de compétition, ni même de votre premier vélo de route, encore moins de votre première monture « full-carbone »! Je vous suggère de remonter – plus ou moins – loin dans le temps, à l’époque des gros pneus « ballounes » et des petites roues stabilisatrices à l’arrière…

Car reconnaissons-le sincèrement : l’afflux massif de technologies de toutes sortes, de nouveaux matériaux, d’inventions toutes plus performantes les unes que les autres, n’a-t-il pas quelque peu dénaturé l’insouciance que nous avions alors, il y a de cela dix ans – vingt ans – trente ans – toutes ces réponses – ne sait plus (cochez la bonne réponse), l’insouciance que nous avions à enfourcher notre bolide en acier indestructible de 25 livres et partir avec lui pour un tour du monde sans escale… pendant au moins 1,5 kilomètre?

Certes, aujourd’hui, la finesse de nos cadres poids-plume, l’élégance de nos haubans travaillés, la précision de nos cassettes dix ou onze vitesses, le confort de nos selles ergonomiques, l’aérodynamisme de nos jantes profilées en carbone, l’accessibilité de nos manettes de vitesses au guidon, etc., etc. font que ni vous ni moi ne voudrions revenir en arrière. Ce qui tombe plutôt bien, d’ailleurs, car je me vois mal installer mes six pieds quatre sur mon petit vélo Motobécane équipé de roues de 12 pouces…

Mais sincèrement, n’était-ce pas alors du plaisir à l’état pur? On se moquait bien des nids-de-poule (on en redemandait même, surtout s’il y avait de l’eau dedans!), on ne redoutait pas les crevaisons (rarissimes vu l’épaisseur du caoutchouc, et de toute façon, Papa était là pour coller une rustine!), on ignorait les sauts de chaîne (impossibles, puisqu’il n’y avait même pas de changement de vitesse et qu’un carter en tôle – pas en plastique – recouvrait toute la transmission et protégeait nos pantalons du dimanche de toute trace de graisse!), et la peinture du cadre en acier était suffisamment épaisse pour ne craindre aucune éraflure…

On avait trois, quatre ou cinq ans… On venait de s’émanciper et d’entrer tout à coup dans le monde des « grands » : pensez donc, après quelques tentatives hasardeuses et zigzagantes qui mettaient Maman au bord de la crise de nerfs, Papa nous avait enfin enlevé nos petites roues à l’arrière! Et le « deal » paternel était clair : si je les enlève, je ne les remets plus! À cette époque, ce n’était pas un porte-bidon en carbone à 10 dollars le gramme qui ornait notre cadre, mais une belle pompe en aluminium, et on savait que les meilleurs « pads » de freins, c’était les semelles de nos souliers, surtout en cas d’urgence, quand nous nous étions montrés un peu optimistes dans une descente et qu’au lieu de « rétropédaler », nos pieds quittaient les pédales-plateformes! Aïe, les coups de pédale en arrière des mollets!…

Devant chez mes grands-parents, probablement en 1964…

 
Le mien était jaune et rouge… Le cadre était jaune et les garde-boue en tôle étaient rouges. Je me le rappelle très bien, même si tous les souvenirs tangibles de cette lointaine époque sont bien entendu en noir et blanc. Oh, ce n’était pas un jaune fluo ni un rouge éclatant, car nous n’étions qu’au tout début des années 60… Mais alors que toutes les voitures étaient noires, ou presque, c’était audacieux, un vélo jaune (beige) et rouge (clair). Je me souviens encore de ses gros pneus blancs (oui, blancs!), de son porte-bagages (indispensable, pour le tour du monde sans escale, voyons!) et surtout des rubans multicolores qui pendaient aux poignées de guidon en caoutchouc, blanches elles aussi (ils n’ont pourtant pas résisté très longtemps, ces rubans; la vitesse, probablement…). Je me souviens aussi que parfois, je finissais la journée quasiment assorti à mon vélo, l’arrière des mollets tout jaune des coups de pédales reçus et les genoux tout rouges du mercurochrome appliqué par ma mère au retour de mon tour du monde.

Il a eu une bien longue carrière, ce vélo jaune et rouge. J’avais dix ans que je l’utilisais encore (!), car je n’en avais pas d’autre. Pire : je le partageais avec ma sœur, de quatre ans ma cadette! Je peux vous dire que mon père a plus d’une fois joué de la clé de 10 pour descendre ou remonter la selle selon un planning d’utilisation minutieusement établi… et que je trouvais injuste, bien sûr! À y bien penser, je me demande si ce n’est pas moi qui inventé la mode des tiges de selle sorties du cadre d’au moins 12 pouces! Et puis ce vélo a ensuite servi à mes jeunes cousins qui, à eux tous, successivement, ont probablement réussi à avoir sa peau! Requiescat in pace, mon beau vélo jaune et rouge…

Et vous, il était de quelle couleur, votre vélo jaune et rouge?

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Pas de réponse à “Mon vélo jaune et rouge…”

  1. Le mien était bleu avec un siège banane et un guidon mustang,un dynamo pour la lumière et bien sur,un paquet de cigarette vide qui frottait dans les rayons de la roue arrière pour imiter le son d’un bicycle à gaz ! 😉

  2. Francois Cossette

    Le mien? Un CCM Mustang Duomatic reçu pour ma première communion bien sûr…2 vitesses actionnées par rétropédalage, un vélo assez unique! Petit désavantage, à chaque coup de frein,tu te retrouvais sur l’autre vitesse.J’en ai vu un à vendre récemment,cher, apparemment c’est devenu un vélo de collectionneur.Il a fini volé et moi le coeur brisé!

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