—————————————
Note aux lecteurs – Vivre au Québec a ceci de bon: ses 4 saisons nous permettent de pratiquer des sports très différents et ainsi de ne pas se lasser d’une mono-pratique. Quel malheur ressentent ceux qui vivent à l’année longue au chaud soleil et ne font que toujours jouer au golf! . L’été arrive et pourquoi ne pas s’offrir un nouveau défi sportif? Le texte suivant devrait venir à bout de vos réticences ou appréhension. Voir, du même auteur : Vieillir dans un sport.
—————————————-
Je suis sur la ligne de départ, entouré de gens de tous âges qui, pour la plupart, se connaissent. Ça parle anglais et français. Le commissaire préposé au départ nous donne les directives de dernières minutes, je les écoute attentivement… dans les deux langues… de peur d’en avoir manqué des bouts… ça placote trop à côté de moi…visiblement mes voisins ont déjà entendu la litanie de l’officiel. J’en manque des bouts. Je n’aime pas ça.
Pierre Gendron, avec un bagage de 15 marathons, une centaine de courses à pied, environ 450 courses de vélo de montagne et quelques loppets plus ou moins longues, nous propose des chroniques d’humeur et petits comptes rendus pour nous faire vivre le plaisir du sport d’endurance et des lieux où il se pratique.
Je suis entouré d’athlètes de tous âges portant des vêtements techniques affichant des noms de lieux… ou est-ce des noms de clubs… peut-être même des marques de commerce… qui sait. Je nage en pleine ignorance, je vais de surprises en surprises. C’est mon premier marathon de patin de vitesse: 25 km ou 64 tours de l’anneau Gaétan Boucher ou, si on veut, 128 tournants de 180 degrés . Je « freake » en pensant qu’il me faudra compter mes tours, je n’ai pas d’équipe ou amis pour me les compter. Je n’ai pas 64 doigts et le seul chrono que j’ai, ne travaille que pour 10 tours… et il est resté sur la table de cuisine à la maison. La solution va venir pendant la course… j’ai le temps d’en trouver une… au moins une heure!
Paff! Le départ est donné et je me range dans le « pack » à l’arrière.
Je n’ai qu’une seule stratégie, finir tout en ne dérangeant personne, mais aussi: Я приехал сюда, чтобы узнать
Vous l’avez deviné mon nouveau sport c’est le patin de vitesse.
Pourquoi entreprendre ce sport?
Parce que c‘est un sport dont la pratique ne dépend que de moi; parce qu’il se pratique à l’extérieur et parce qu’il est esthétique. D’ailleurs, tout sport bien pratiqué n’est-il pas esthétique? Je trouve les patineurs fascinants lorsqu’ils glissent avec élégance sur une patinoire-miroir. Et quelle force et technique derrière ce semblant d’aisance!
D’abord , mais pourquoi entreprendre un nouveau sport?
Ce qui m’a décidé à débuter un nouveau sport, peu importe lequel, c‘est de m’astreindre à apprendre une nouvelle technique, forcer mes muscles, mes tendons, mon cerveau à s’acclimater à une nouvelle posture , à répéter sans cesse des mouvements pour qu’ils deviennent réflexes… en somme, avoir l’air fou, inélégant pendant un certain temps et avoir mal à des endroits nouveaux et différents. La variété n’est elle pas le sel de la vie ! On ne progresse qu’en se donnant de nouveaux défis… réalisables… avec effort.
Les premiers exercices sont humiliants, l’égo en prend un coup. Moi qui sait courir, pédaler, skier, patiner, j’ai l’air d’un nourrisson qui commence à marcher: les exercices d’équilibre accroupi me font réaliser que j’ai du chemin à faire . Mon objectif d’élégance est très loin… mes patins me font mal et je ne sais pas comment bien les aiguiser.
Lâcher (ou ne pas continuer pour des raisons personnelles) faciliterait les choses, mais comme je viens de m’acheter des patins il me faut « rentabiliser » cet achat . Je ne lâche pas… je suis « cheap ».
Il y aurait aussi une autre raison pour ne pas continuer, car aller patiner à l’anneau de glace Gaétan Boucher relève du plus pur masochisme. Ça frise quasiment le jackass sportif. Si on écoute la belle madame météo à la télé qui parle du facteur éolien et que ça ne nous fait pas vibrer, c’est parce qu’on connait pas l’anneau Gaétan Boucher. Sachez que ce facteur éolien a établi domicile permanent à cet endroit. Il y vente tout le temps. Il y a des soirs, où le vent arrive directement du Pôle Nord. Et comme, sur cette patinoire, on s’y déplace rapidement ,je suis persuadé qu’une petite éolienne fixée sur ma tête pourrait produire assez de jus pour alimenter une combinaison chauffante (avis aux inventeurs… je revendique la paternité de cette idée).
Mais je ne suis pas seul, la « gang de débutants » comme moi est l’fun: on s’encourage, on se nargue, on s’échange des trucs, on parle de nos jobs, de nos enfants… et même de la saison de vélo de montagne à venir. On se fait de nouveaux amis.
Nos entraîneurs sont aussi compétents que compréhensifs. Je suis religieusement leurs conseils, les mets en pratique lors d’entraînements et constate les résultats.
Mon grand plaisir, avec le temps, est de voir que je m’AMÉLIORE dans un sport. Mes temps de passages baissent. Si mes autres sports ne m’envoient que des images d’usure, celui-ci m’encourage.
Attention un jeu de mots subtil arrive : ce nouveau sport me fait oublier la patine du temps.
Pas fort hein!
Je vous avais prévenus.