Philippe Lacasse filait, seul, en échappée. Loin, très loin devant ses poursuivants. On était au deuxième tour de la course junior, à Saint-Basile.
Aurait-il tenu le coup jusqu’à la fin? Peut-être que oui, peut-être que non. Mais en voyant le résultat final, disons que ses chances auraient été bonnes. Il aurait été entouré de ses propres coéquipiers (Probikepool/Kuota), qui l’auraient sans doute protégé.
Mais il a fallu que je me mette dans son chemin. Bien involontairement, veuillez me croire.
J’explique.
Pour suivre le début de la course et voir comment les coureurs se comportent, je monte à bord de la voiture de l’organisateur, Jean-Yves Labonté. C’est le véhicule de tête. À la fin du premier tour, petit problème à régler à la ligne de départ, Jean-Yves Labonté descend de la voiture et me demande si je veux prendre sa place, pour un tour, au volant. Pourquoi pas, me dis-je… même si je n’ai jamais fait ça. Mmm…
Quelques kilomètres plus loin, devant moi, une dame lève les bras, dans le chemin, comme si un drame venait de se passer. Je me range – pour quelques secondes – sur le bord de la route… on ne sait jamais. Rien de grave, je reprends la route.
Mais, le temps d’un clin d’oeil, Philippe Lacasse passe devant moi et, oh malheur, il prend une mauvaise direction, vers la droite, quelques dizaines de mètres plus loin. Les poursuivants et le reste du pelotons sont derrière… que dois-je faire? Rattraper Philippe et lui dire qu’il doit revenir? Vite, j’y vais. Première fois, Philippe n’a pas l’air de réaliser. Deuxième fois, un peu plus loin, ayant constaté qu’il ne rebroussait pas chemin… Oups! Il n’était pas trop de bonne humeur, le jeune homme. Et avec raison.
Pendant ce temps, les autres coureurs ont continué, dans le droit chemin. Je dois revenir en tête du peloton sans tarder. Merde! J’ai dû provoquer une saprée confusion. Je n’étais pas très fier de moi. Mais le reste du groupe ne semble pas avoir réalisé ce qui s’était passé. Tout se passe si vite, parfois. En tout cas, personne ne m’a fusillé, après la course.
Sauf que je me sentais vraiment coupable d’avoir mis Philippe Lacasse dans une telle situation. Moi qui voulais rendre service… et voilà un jeune homme déterminé, affuté, en pleine possession de ses moyens, filant vers une victoire qu’il sentait à sa portée, sorti de la course par ma faute, par ma très grande faute.
Je suis allé rencontrer Philippe, après coup. Il n’était pas content, mais pas du tout. Mais il a écouté, poliment, et il a compris. J’ai apprécié la maîtrise qu’il a su garder… Peut-être que mes cheveux gris l’ont apaisé!
Quoiqu’il en soit, je travaille fort, à ma façon, depuis de nombreuses années, pour aider les cyclistes, tous les cyclistes, peu importe leur condition et jamais, au grand jamais, je n’aurais voulu nuire à qui que ce soit. Philippe a compris.
Et j’ai eu ma leçon. Une voiture de tête, ÇA N’ARRÊTE PAS, même devant le pape!
Sylvain Potvin ne pourra plus parler de mes exploits (!!!) de chauffeur parce que je ne prendrai plus jamais le volant, pour ouvrir une course!
Toutes mes excuses, Philippe…
P.S.: Ce texte aurait pu s’intituler: Chronique d’un chauffeur du dimanche… mais j’ai voulu aller droit au but, en partant. Quant à sa pertinence, je vous laisse juger. Y’a plein de choses, au fil des évènements, qui ne sont jamais publiées ou dévoilées. Mais les bourdes ne viennent pas toujours des acteurs principaux. Parfois, c’est intéressant de le savoir. Superflu? Encore une fois, je vous laisse juger. En tout cas, je me dis que la perfection n’est pas de ce monde. J’en suis la preuve vivante!
Pour joindre l’auteur de ces lignes: clemelin@sdvmag.com .