D’abord la couleur du cadre et le pédalier d’un coup d’œil rapide, le dérailleur arrière, les roues puis le cockpit : ça y est, votre tour du proprio est fait et vous être prêt à parler du vélo, son comportement dans les accélérations et les courbes, ses relances, son confort et sa maniabilité.
Charles B. Ostiguy a fondé l’équipe cycliste Archibald Genetik SOLE en 2009 et court sur route chez les maîtres depuis plusieurs années. Lorsqu’il n’est pas dans son habit du super-héros, il dirige une entreprise en représentation d’équipements sportifs.
Et si on changeait le dérailleur arrière d’un Dura-Ace à un 105, vous diriez la même chose?
Contrairement à la dernière chronique, je vous donne ma conclusion tout de suite : vous consommez de l’image.
Remarquez, moi aussi. Je retire systématiquement les pédaliers Shimano de mes vélos parce que je les trouve laids, j’ai utilisé des roues très profilées sur des parcours de course montagneux, je porte des bas longs, pas courts, je me rase les jambes.
Courte anecdote. Sur la route pour le boulot avec mon collègue et néanmoins ami Eric, vélo à la main pour un matin d’entraînement, il soupèse mon Look 595 cofidis/campy/roues profilées, me le redonne en moins d’une minute : « Y’est bien monté ton bike. » Pardon??? Lui qui a vu pleuvoir se bat les couilles de savoir s’il est beau ou non, il veut savoir si le bike ira bien, point.
Voyez l’idée?
Je me rappelle d’Annie Pelletier, vaguement du déroulement de la compétition qui devait lui voir remettre la médaille de bronze en plongeon aux Jeux olympiques de 1996 mais je me rappelle d’elle, clairement, sur le tremplin. Je me rappelle de la couleur du maillot qu’elle portait. Je me rappelle aussi qu’elle a été partout, par la suite : tv, radio, magazines, un déluge dans les médias. Je me rappelle aussi d’Annie Perreault, médaillée de bronze au 500m courte piste aux Jeux de Nagano, deux ans plus tard, dans le plus total anonymat. Eric Bédard, ça vous dit quelque chose?
Annie Pelletier était belle, pas Annie Perreault, ni Eric Bédard.
Retour au vélo, l’idée de parler de mise en marché des athlètes m’est venue en voyant une autre auto-promo de Liz Hatch, Every single piece of me. Série de très belles images léchées, montage hyper efficace, infographie actuelle, sans histoire. Ajoutez un couple heureux au resto, deux bottes de foin et vous avez une pub de l’association touristique de Saint-David-de-Falardeau Ouest.
Ça ne m’émeut pas spécialement que les athlètes se vendent en se plaçant dans la vitrine ou en tenant informés les médias de leurs faits et gestes. Charles Dionne maitrisait cet art et ça lui a permis d’être dans le cahier des sports plus souvent que Dominique Rollin, qui est pourtant un cycliste plus fort. Dionne a alimenté les médias pendant des années, plus efficacement que Rollin. Rappelez vous de votre réaction quand Rollin a été repêché par Cervélo Test Team?Dominic qui? Au moment où on imaginait déjà Dionne sur le Tour.
Je ne suis pas choqué non plus qu’une jolie cycliste, joueuse de tennis, coureuse automobile vende sa salade en montrant son cul. Tant que c’est une relation consentante entre une athlète et sa base électorale, fine with me. Je ne détourne pas le regard en voyant le calendrier Cyclepassion (le 2011 est particulièrement réussi) ou la pub de CKAC qui a fait faire une crise de foie à la fédération des femmes du Québec.
C’est lorsque l’emballage devient plus gros que le produit que je décroche. Liz Hatch est une cycliste ordinaire, sans plus, et on est là comme des cons, à bouffer son image comme si on avait été privé de lunch et que c’est elle seule qui avait la clé du frigo. Willow Koerber en bikini? Anytime. Mais ok les gars, on arrête de prétendre qu’on s’intéresse à Liz Hatch comme à Bradley Wiggins.
Ce n’est plus de la mise en marché, c’est du softporn.